On March 27, 1950, Prime Minister Louis St. Laurent delivered a speech to the Canadian Club of Toronto titled Les conséquences de la guerre froide pour le Canada. This address highlighted the profound impact of the Cold War on Canada’s domestic and international policies, signaling a shift in how the country viewed its role on the global stage.
St. Laurent began by framing the Cold War as a new era of tension between the Western democracies and the Soviet Union, following the devastation of the Second World War. He underscored the ideological battle between democracy and communism as the defining struggle of the time, with profound implications for Canada’s foreign and defense policies. St. Laurent stressed that Canada could no longer afford to remain insulated from global conflicts; as a Western democracy and member of the United Nations, it had a moral and strategic responsibility to contribute to the defense of freedom and peace worldwide.
One of the key messages of St. Laurent’s speech was the importance of collective security. He emphasized Canada’s role in forming and supporting the North Atlantic Treaty Organization (NATO), which had been established in 1949 to counter the Soviet threat in Europe. St. Laurent framed Canada’s membership in NATO not only as a military necessity but as part of a broader commitment to peace and international cooperation. By aligning itself with its Western allies, particularly the United States and the United Kingdom, Canada was positioning itself as an active participant in maintaining global security.
St. Laurent also addressed the domestic implications of the Cold War, particularly in terms of national defense and economic policy. He spoke of the need to strengthen Canada’s armed forces and invest in new defense technologies, including radar and early warning systems, to protect North America from potential Soviet aggression. This emphasis on defense spending marked a significant shift from the more isolationist policies of the interwar years and reflected the growing perception that Canada’s security was inextricably linked to global security.
Economically, St. Laurent pointed out that the Cold War posed challenges but also opportunities for Canada. He acknowledged the threat of economic instability that could arise from global tensions, particularly if trade routes were disrupted by conflict. However, he also saw the Cold War as an opportunity for Canada to expand its industrial base, particularly in defense production, which would not only contribute to national security but also create jobs and stimulate economic growth.
Another important aspect of St. Laurent’s speech was his focus on Canadian sovereignty and independence within the broader framework of Western alliances. While Canada was committed to NATO and other multilateral institutions, St. Laurent was careful to emphasize that Canada would make its own decisions regarding defense and foreign policy. He rejected the notion that Canada was simply following the lead of the United States, instead portraying the country as an equal partner in the fight against totalitarianism. This message was particularly important in the context of growing anti-American sentiment in some quarters of Canadian society, where there was concern that Canada’s close relationship with the U.S. would undermine its independence.
The implications of St. Laurent’s speech were significant for Canadian history. It marked a turning point in Canada’s post-war foreign policy, signaling its transition from a more passive, isolationist stance to an active role in international diplomacy and defense. Under St. Laurent’s leadership, Canada would go on to play a key role in global peacekeeping efforts, including its involvement in the Korean War and later peacekeeping missions under the United Nations.
Domestically, St. Laurent’s emphasis on defense and industrial development had lasting effects on the Canadian economy. The post-war boom in defense spending contributed to the expansion of Canada’s manufacturing sector, while his government’s investments in infrastructure, education, and social programs helped lay the foundation for Canada’s post-war prosperity.
In terms of national identity, St. Laurent’s speech helped to solidify Canada’s image as a middle power committed to peace, democracy, and multilateralism. This vision would continue to shape Canadian foreign policy throughout the Cold War and beyond, as Canada became known for its role in peacekeeping, diplomacy, and the promotion of human rights.
In conclusion, Louis St. Laurent’s speech on the Cold War in 1950 was a defining moment in Canadian history. It articulated a vision of Canada as a strong, independent nation committed to collective security, economic development, and international cooperation. St. Laurent’s leadership during this critical period helped shape Canada’s role on the world stage and left a lasting legacy of peacekeeping, diplomacy, and national unity that continues to resonate in Canadian politics today
Les conséquences de la guerre froide pour le Canada
Discours prononcé le 27 mars 1950, au Canadian Club de Toronto, par M. LOUIS STEPHEN SAINT-LAURENT, premier ministre du Canada.
J'ai intitulé mon allocution : " Le rôle du Canada dans la guerre froide ", bien qu'en fait, il eût peut-être été plus juste de l'intituler : " Les conséquences de la guerre froide pour le Canada ". Quoiqu'il en soit, j'entre dans mon sujet en signalant, tout d'abord, le danger que comporte l'emploi de cette expression " la guerre froide ".
L'expression, je le crains, donne à certaines gens l'impression que nous en sommes à la phase préliminaire de la guerre ouverte. À la vérité, votre but est d'abord de prévenir la guerre " chaude ", puis de faire tout en notre pouvoir pour mettre fin à la guerre froide elle-même. La tâche, il faut le reconnaître, ne sera pas facile. Nous ne pouvons compter que notre dessein se réalise ni dans un avenir prochain ni à la faveur d'un coup de théâtre inopiné.
Tant qu'il ne régnera pas entre les nations une certaine confiance mutuelle, nous n'aurons pas de paix véritable et durable. Or, les événements ont démontré que cette confiance ne peut naître que d'un sincère et radical changement d'attitude de la part de la Russie soviétique envers les autres pays du monde. Un tel changement ne peut se produire du jour au lendemain, si tant est qu'il doive se produire au cours de notre vie. Dans l'intervalle, qui peut durer plusieurs années, le monde libre doit songer à maintenir sa propre sécurité avec ses seules forces. Nous devrions la maintenir à l'aide d'effectifs militaires supérieurs à tout ce qu'on a jamais pu envisager jusqu'ici en temps de paix. Mais ce n'est pas là ce que je veux faire ressortir aujourd'hui.
En effet, ce qui importe, à mon sens, c'est de prouver au monde que notre libre démocratie est meilleure que le régime des communistes, qu'elle offre un meilleur mode de vie, qu'elle repose sur une économie et une industrie vigoureuses, qu'elle offre des biens matériels abondants et qu'elle est de nature à faire naître chez les hommes cette confiance qui leur permet de vivre côte à côte dans l'harmonie. Si nous pouvons prouver tout cela au monde, nos adversaires verront bien , à la longue, qu'il est plus sage de " vivre ". Ils en viendront à cette conclusion quand ils auront constaté que s'ils déclenchent une guerre ils risquent de la perdre. Mais il n'y aura de victoire pour nous, en définitive, que lorsque les peuples de l'autre côté du rideau de fer verront que leur régime, à l'opposé du nôtre, ne peut satisfaire ni les besoins matériels ni les besoins sprirituels de l'humanité. Sous la menace d'une agression militaire, les nations pacifiques doivent maintenir une défense militaire solide. Il ne faut cependant pas nous limiter à défendre nos positions acquises, ce qui ne saurait pas faire uvre constructive. Il faut aussi renforcer notre vie économique, politique et sociale, et améliorer notre démocratie.
Pour apporter une contribution positive à la guerre froide, nous devons comprendre les principes qui sont en jeu. Certains considèrent que cette guerre froide relève de l'économie, que c'est une lutte entre l'entreprise privée et le monopole d'État ; pour d'autres, elle appartient au domaine politique, et c'est un conflit entre la démocratie et la dictature ; d'autres, la plaçant sur le terrain philosophique, la voient comme une lutte entre le spiritualisme et le matérialisme ; pour d'autres enfin, la guerre froide est une lutte religieuse entre ceux qui croient en un univers ordonné par Dieu et les tenants de l'athéisme systématique.
La guerre froide, c'est tout cela et plus encore. Je la vois comme un conflit où s'opposent radicalement deux conceptions de la société humaine : dans la première l'État est le maître absolu et incontesté de chaque aspect de la vie de tous les sujets tandis que dans l'autre, l'État est le serviteur des citoyens, ayant pour rôle de répondre à leurs besoins politiques communs, tout en les laissant libres d'organiser eux-mêmes les autres aspects de leur vie. Bref, on peut dire que la guerre froide est un conflit entre le totalitarisme et la liberté. Or, il n'y a pas si longtemps, nous parlions tous de guerre totale. Eh bien, je crois que la guerre froide est une sorte de guerre totale qui exige l'emploi de toutes nos ressources, bien que nous puissions heureusement, dans la guerre froide, employer ces ressources d'une manière plus constructive que dans la guerre tout court. Si la guerre froide est vraiment une guerre totale, la participation de Canada devient évidemment une question du plus haut intérêt, non seulement pour le gouvernement mais aussi pour chaque citoyen. En vérité, chacun est intéressé au plus haut point au but ultime qui consiste à obtenir la sécurité pour notre régime de liberté, et la garantie réelle d'une paix durable pour ceux qui désirent vraiment la paix, c'est-à-dire, à mon sens, pour la grande majorité des hommes et des femmes de tous les pays.
Pendant quelque temps, après 1945, nous espérions tous trouver la sécurité internationale grâce à l'organisation des Nations Unies. Les habitants du Canada et des autres pays libres savent maintenant que le seul véritable espoir de sécurité dans l'avenir immédiat réside dans une conjugaison d'efforts sur le plan économique et militaire, et dans une résolution commune de résister ensemble à l'agression de toute nation qui serait assez téméraire pour déclencher une attaque. Voilà le but immédiat du pacte de sécurité de l'Atlantique-Nord. Depuis que le Canada a signé et ratifié ce pacte, j'ai eu l'occasion de parcourir le pays d'un littoral à l'autre. Partout, les gens ont manifesté leur entière approbation de la participation de notre pays au pacte de sécurité des nations de l'Atlantique-Nord. La compréhension et l'unité manifestées par les Canadiens à cette occasion m'ont réjoui. C'est un début prometteur, mais la voie qui nous conduira finalement à la sécurité s'annonce quand même longue et difficile.
Nous savons tous que la signature du traité n'était que le premier pas. Tous les membres de la communauté des nations de l'Atlantique-Nord doivent collaborer à la mise en uvre du traité, et fournir les effectifs actuels et éventuels qu'il requiert. Il incombe à chaque signataire de décider combien il doit consacrer à la défense militaire. La décision relative à l'ampleur et à la nature des dépenses, que nous devons effectuer en vue d'assurer notre sécurité nationale, est sans doute l'une des plus difficiles que le Gouvernement ait à prendre. Nous pourrions probablement affecter à la défense tout notre revenu national sans être nécessairement à l'abri de toute attaque. Je ne crois pas que personne au pays songe à la possibilité d'armer le Canada de telle sorte qu'il puisse lutter seul contre une grande puissance. Comme toute les nations libres, nous devons nous efforcer d'établir le meilleur équilibre possible entre les deux besoins suivants : d'une part, le besoin immédiat d'armes et de troupes et, d'autre part, le besoin de maintenir de façon durable les effectifs requis non seulement sur le plan militaire mais encore sur le plan industriel et économique. C'est là, certes, un équilibre difficile à réaliser.
Je suppose que vous avez tous entendu parler de M. Vannevar Bush, le grand savant américain qui était en charge des recherches scientifiques de son pays durant la dernière guerre et qui dirigea les efforts devant aboutir à la production de la bombe atomique. M. Bush a publié récemment un ouvrage intitulé Modern Arms and Free Men. Il y traite, d'une manière qui m'a fort plu, le problème que pose la réalisation de nos objectifs en cette période de guerre froide.
Quelle proportion des ressources d'une nation faut-il affecter à la défense ? Répondant à cette question précise, M. Bush nous avertit que la guerre froide durera probablement longtemps. Il ajoute que tant que nous serons assez forts pour soutenir un premier choc, le facteur décisif sera l'endurance dont nous ferons preuve et l'efficacité avec laquelle nous démontrerons la supériorité de nos institutions politiques et sociales. Un passage, que je tiens à citer aujourd'hui, m'a particulièrement frappé. Voici comment s'exprime M. Bush : " Il y a plus d'une manière de perdre la course (à la sécurité). Elle ne dure que depuis quelque temps, mais déjà nous nous en ressentons. Nous pourrions la perdre, comme peut se perdre toute course de longue durée qui dépend de la résistance de l'homme, soit en accomplissant trop peu, soit en dépensant nos énergies trop tôt. Il nous sera peu profitable d'avoir accumulé bombes et avions si nos régimes administratifs et industriels s'effondrent. La course que nous disputons sera longue et difficile ; mieux vaut nous préparer à un effort soutenu et utiliser sagement nos ressources. " Rappelons-nous que nous visons d'abord à empêcher la guerre froide de devenir un conflit armé. A ce sujet, je me permets de citer M. Bush encore une fois. Sur la possibilité d'éviter un conflit armé, voici ce qu'il affirme, vers le milieu de son volume : " Nous pourrons éviter le conflit armé en maintenant notre puissance à son maximum. Nous pourrons l'éviter en y demeurant opposés avec tout le réalisme et toute la fermeté requise. Nous pourrons l'éviter, si nous savons maintenir l'efficacité de notre système démocratique. Nous pourrons même l'éviter complètement, car si la puissance des peuples libres l'écarte pendant une génération, nous pourrons alors édifier un monde nouveau, affranchi du fléau des grandes guerres. Pour réaliser cet objectif, nous devrons traverser une épreuve sans précédent ; ce sera l'épreuve de la sincérité de notre croyance en la dignité et en la liberté humaines ; ce sera l'épreuve de notre aptitude à surmonter l'égoisme et les mobiles mesquins, et de notre aptitude à utiliser toute notre puissance de façon à assurer le bon fonctionnement de notre régime dans l'intérêt de tous. "
Voilà une opinion que, à mon avis, nous pouvons tous partager, et qui m'encourage à croire que la guerre froide est une sorte de guerre totale exigeant la mobilisation constructive de toutes nos ressources, y compris nos ressources morales. Pour gagner la guerre froide, il ne suffira pas de consacrer une partie considérable de nos ressources totales à la défense militaire, à la production et à la mise au point des armements. Cela pourrait suffire à éviter la défaite. Mais éviter la défaite n'équivaut pas à gagner la guerre. Pour remporter la victoire, nous, des nations libres, devrons démontrer, à notre satisfaction constante, la supériorité de nos institutions et de notre mode de vie. Il nous faudra ensuite rallier à notre cause les centaines de millions d'Asiatiques et d'Africains qui, indifférents et déroutés pour l'instant, ne penchent ni d'un côté ni de l'autre dans la guerre froide. Et, enfin, il nous faudra démontrer aux millions d'autres personnes, qui sont derrière le rideau de fer, que l'impérialisme communiste est synonyme d'esclavage et que nous sommes vraiment les champions de la liberté et de la paix.
Notre contribution militaire à la cause de la sécurité ultime est importante ; nous ne la négligeons pas. J'estime cependant que le Canada a un autre grand rôle à jouer dans la guerre froide et ce rôle, dont je veux maintenant vous entretenir, n'est pas militaire. Ce rôle, nous allons le jouer à l'aide des atouts particuliers dont nous disposons au Canada et que je mentionne tout de suite. D'abord, nous partageons avec les Américains cet heureux continent qui, relativement parlant, reste encore moins vulnérable à une attaque directe que toute autre région civilisée du globe. Nous avons ensuite des richesses exploitées qui, par rapport à notre population, ne sont dépassées que par celles des Américains. En outre, nos richesses non exploitées sont encore plus considérables. Nous avons par ailleurs une population fort évoluée dont l'ingéniosité et l'esprit d'initiative atteignent, en moyenne, un niveau élevé. Tous ces éléments contribuent à former un potentiel industriel et économique qui, en dépit du chiffre relativement restreint de notre population, nous place immédiatement après les grandes puissances dans le concert des nations. Il en résulte pour le Canada une obligation particulière de contribuer à la puissance économique du monde libre.
Chose tout aussi importante, nos institutions politiques et sociales ont su résister aux plus rudes épreuves. Nos gens ont manifesté assez de profondeur de vues pour s'apercevoir que les intérêts et les responsabilités de la nation s'étendent bien au delà des frontières du Canada. Ils sont prêts à assumer ces lourdes responsabilités et à s'en acquitter efficacement.
Le Canada a réalisé de rapides progrès ; il est allé loin. Les gens de mon âge n'ont pas de mal à se souvenir de l'époque où bien peu de Canadiens se préoccupaient de ce qui se passait en dehors du pays. Il arrivait sans doute que nous fussions émus par des événements extraordinaires comme la guerre hispano-américaine, ou la guerre sud-africaine ; mais jamais avant 1914, les Canadiens ne s'étaient doutés qu'ils pouvaient avoir certaines responsabilités sur le plan international. Rares, d'ailleurs, étaient ceux d'entre nous qui désiraient ces responsabilités. Après 1919, nous avons senti que le grand rôle que nous avions joué au cours de la première Grande Guerre donnait au Canada le droit de se faire entendre sur le plan international. Toutefois, l'assombrissement de la scène mondiale, durant l'entre-deux guerres a provoqué un mouvement de recul chez un grand nombre de nos compatriotes et leur a fait souhaiter d'éviter les conséquences d'événements qui leur échappaient. Je suis convaincu qu'aujourd'hui la plupart des Canadiens sont persuadés qu'ils ne sauraient échapper aux conséquences des événements mondiaux. C'est pourquoi ils ne cherchent pas à se dérober aux responsabilités qui leur échoient.
Une de ces responsabilités consiste à maintenir au Canada même un régime libre et sain où l'État reste notre serviteur et ne devienne pas notre maître, un régime qui assure l'exploitation continue des ressources et où la puissance industrielle serve à la constitution d'un potentiel militaire constamment accru. C'est en nous acquittant de cette responsabilité que nous jouerons une bonne partie du rôle qui nous est dévolu et dont le but est de gagner le guerre froide . Or, les associations volontaires de citoyens, tels les Canadian Clubs, ont un rôle important à jouer dans la vie d'une nation libre et saine. Une des grandes sources de notre vigueur et de notre vitalité vient de ce que nous n'attendons pas pour agir que le Gouvernement ou l'État nous dise ce qu'il faut faire. Mais il est chez nous une autre source de liberté et de vitalité. C'est notre régime fédéral avec ses administrations provinciales et municipales, affranchies de toute direction centrale et libres d'agir dans le cadre que leur assigne la constitution. Disons en passant qu'à mon avis la santé et la vigueur de notre pays tiennent autant à la façon dont nos institutions locales s'acquittent de leurs obligations qu'à celle dont nous nous occupons des problèmes politiques d'ordre plus général, à Ottawa.
Il y a peu de nos institutions qui ont un aussi grand rôle à jouer dans notre société que nos maisons d'enseignement et surtout nos universités. Dans l'État totalitaire, l'enseignement est fait de propagande et d'endoctrinement; le maintien même des nations libres dépend de la liberté de la recherche. Par bonheur, notre constitution aussi bien que nos traditions ont donné des sauvegardes à la liberté de l'enseignement et il n'y a pas de liberté qui doive nous être plus chère.
C'est un fait historique, semble-t-il, que l'État totalitaire ne puisse tolérer aucune forme de religion ; il exige pour lui-même l'allégeance religieuse aussi bien que politique. D'autre part, la liberté de religion - - ou liberté maximum églises - - est le trait caractéristique d'une nation libre et saine. Au chapitre de la liberté, permettez-moi de dire encore que je suis un de ces impénitents qui croient encore que la liberté d'entreprise est essentielle à une nation saine. Je crois que la liberté est nécessaire afin de fournir un champ d'action à l'entreprise; mais je crois aussi que l'esprit d'entreprise et même l'audace sont nécessaires pour atteindre au plus grand développement des vastes ressources d'un pays neuf comme le nôtre. En préconisant la liberté d'entreprise, je n'entends pas par là que les gouvernements n'ont pas la responsabilité, et dans une grande mesure, de stimuler l'activité économique et de contribuer effectivement au bien-être social. Mais je crois que la sécurité sociale, ou l'assurance sociale comme je préfère l'appeler, peut, à l'instar de toute assurance ordinaire, être un stimulant plutôt qu'une entrave à l'entreprise. Je suis convaincu que le devoir du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et municipaux est de faire tout leur possible pour améliorer le bien-être social et maintenir des conditions favorables au succès des entreprises, assurant par là un haut niveau d'emploi et de prospérité soient élevées, mais nous avons toujours dit que c'est à l'entreprise privée de maintenir la plus grande partie de l'embauchage. Tout gouvernement serait bien mal avisé de tuer la poule aux ufs d'or. Vous vous dites peut-être que je m'éloigne passablement du rôle du Canada dans la guerre froide. En réalité, je ne m'en éloigne pas. Je ne crois pas que le communisme totalitaire ait jamais vraiment eu l'espoir d'arriver à dominer le monde en l'attaquant directement par les armes. En effet, les communistes croient fermement que tôt ou tard une crise économique, plus grave que les précédentes, va engloutir le monde capitaliste qui s'effondrera alors sous son propre poids. C'est le grand jour qu'ils attendent. Le communisme totalitaire ne compte pas uniquement sur la puissance militaire de ses satellites; au contraire, et il y a un auteur qui l'a bien dit, l'avantage particulier communistes locaux et leurs agents secrets dans les pays libres. Cette cinquième colonne pose à toutes les nations libres un problème des plus difficiles et des plus troublants.
En effet, elle présente deux dangers distincts. Si une guerre ouverte éclatait, des suppôts de l'ennemi, établis parmi nous, seraient peut-être capables de nous causer dès le début un tort irréparable. C'est pourquoi les nations libres ne peuvent se permettre de négliger la moindre précaution raisonnable pour dépister tous agents secrets qui existeraient parmi nous et pour s'assurer qu'ils soient mis hors d'état de nuire. Cela suppose un travail de fins limiers exécuté par des spécialistes. Règle générale, il y a avantage à donner toute la publicité possible aux affaires publiques; toutefois, la grande publicité ne pourrait certes faciliter et pourrait compromettre gravement le travail de la police dans sa poursuite des agents de l'ennemi. Bien plus, nous devons tous veiller avec le plus grand soin à ne pas laisser s'introduire dans nos collectivités libres les méthodes et les attitudes de l'État policier, qui de toutes les horreurs du totalitarisme sont peut-être les plus terribles. Dans la bouche d'un certain type d'intellectuel, le communisme se présente sous la forme d'une doctrine sociale et il a un certain attrait pour ceux qui ne savent pas distinguer entre les résultats et les promesses du communisme. En promettant de corriger l'injustice et de mettre fin à la pauvreté, le communisme peut avec succès rallier des cinquièmes colonnes dans tous les coins du monde où il a pu prendre racine. Nous n'avons cependant pas lieu de craindre, à mon avis, que le communisme reçoive un appui considérable au Canada aussi longtemps que notre pays restera pour tous nos citoyens, sans distinction d'origine ni de profession, un pays favorable et prometteur.
Voilà pourquoi je dis que le maintien de l'esprit d'entreprise, le maintien de la prospérité, d'un haut niveau d'embauchage, ainsi qu'un accroissement constant du bien-être social comptent, dans la guerre froide, parmi nos armes les plus puissantes, A ces avantages matériels nous devons ajouter, il va sans dire, une foi ardente dans nos institutions libres. La vigueur et la liberté de votre vie nationale sont la base de jouer notre rôle dans la guerre froide. Mais il faut en plus tenir compte de ce que le Canada est une grande nation commerçante. Le Canadien dépend plus du commerce que le citoyen de tout autre pays. Aussi sommes-nous particulièrement intéressés à la restauration de l'économie des pays ravagés par la guerre, surtout le Royaume-Uni et les pays de l'Europe occidentale où notre production excédentaire a toujours trouvé ses meilleurs marchés d'outre-mer.
Déjà le Canada a contribué pour une très large part au relèvement économique de l'Europe, et il y contribue encore. C'est notre intérêt personnel bien compris qui nous le commande. Certes nous voulons nous assurer des marchés en Angleterre et en Europe, mais plus l'économie de ces pays sera forte, plus ils seront en mesure de voir à leur propre défense et plus notre sécurité militaire s'en accroîtra. La guerre froide ne se limite pas, en effet, à l'Europe et à l'Atlantique-Nord. C'est une guerre totale, je le répète, dont aucune partie du monde n'est à l'abri.
À l'heure actuelle, le vaste continent de l'Asie est tenaillé par la guerre froide. Il est aussi en train de traverser un des plus grands bouleversements de toute son histoire. Des centaines de millions de gens sont devenus de plus en plus conscients de leur pauvreté alors même qu'ils obtenaient leur indépendance. Un tel terrain semble fertile pour le communisme dont les propagandistes ne négligent rien pour convaincre les peuples de l'Asie que leur salut, économique et politique, réside dans l'adhésion à cette doctrine comme remède à leurs nombreux et pressants problèmes. Bien sûr, les chefs, comme M. Nehru, premier ministre de l'Inde, et les autres hommes d'État qui dirigent les destinées de ces grands pays savent que si on appliquait pareille panacée, la fragile liberté dont ils jouissent depuis quelques mois seulement serait détruite et remplacée par une forme de gouvernement beaucoup plus impitoyable que celle qu'ils ont connue sous le prétendu impérialisme européen.
Face aux forces destructives qui sont maintenant à l'uvre en Asie, nous devons essayer de démontrer que dans le monde occidental nous possédons la vraie solution du problème et que c'est de nous et non de l'impérialisme soviétique qu'il faut attendre le progrès économique et social. Le Canada a constamment manifesté le désir de s'unir aux autres nations libres afin d'aider les nations de l'Asie à s'acheminer vers l'indépendance réelle et le véritable progrès. En partageant avec eux notre expérience et nos connaissances dans les domaines économique et industriel, nous du monde occidental pouvons les aider de plusieurs manières à établir des méthodes et des régimes permettant de rendre plus productif le travail de leurs millions d'habitants et de rapprocher davantage leur niveau de vie du nôtre.
Qu'on veuille bien écouter les impressions que l'honorable M. Mayhew a communiquées à la Chambre des communes, le 13 mars, au retour de son voyage à Mysore, où il a assisté à la conférence de l'Organisation internationale du travail, et à Colombo, où il a participé à la réunion des ministres des Affaires étrangères et autres représentants des pays du Commonwealth. J'extrais du hansard, à la page 708, le passage suivant: "M. Harris (Danforth): Pendant que le ministre pense à Colombo et aux endroits qui l'ont fêté à divers moments, peut-être dirait-il quelque chose d'encourageant pour les indigènes du Colombo, en ce qui concerne la comparaison de leur niveau de vie au nôtre et l'aide que les Canadiens sont disposés à leur accorder.
L'honorable M. Mayhew: J'espère que rien de ce que j'ai déjà dit ou pourrai dire à l'avenir ne sera en aucune façon de nature à insulter ces gens. C'est même le contraire qui est vrai... Nous entendons beaucoup parler de l'immensité de la tâche qui consiste à assurer un meilleur niveau de vie à ces braves gens, qui sont si industrieux ... On doit se souvenir que ni l'Inde ni Ceylan, - - c'est d'ailleurs le cas pour tous les pays sud-asiatique, - - ne sont des contrées à une seule récolte. Ils peuvent facilement, à condition que l'eau ne manque pas, récolter trois, quatre, voire, en certains endroits, cinq moissons par année, ... Quiconque au Canada ou aux Etats-Unis songe à employer un tracteur, une grosse moissonneuse-batteuse ou une lourde charrue pense à quelque chose qu'on ne connaît pas là-bas; d'ailleurs ces machines ne feraient pas l'affaire, vu que les terres arables sont divisées en lopins de trois, quatre ou cinq acres. Une famille ne peut cultiver convenablement des lopins plus grands, si elle doit y prendre trois ou quatre récoltes au cours de l'année. Je devrais peut-être faire part à la Chambre de mes observations. En matière d'irrigation, - - et mes remarques sont surtout vraies de l'Égypte, - - nous avons constaté que ces gens puisent l'eau avec des seaux à la rivière, puis la transportent au sommet de la rive et la versent dans un canal d'irrigation. Dans certains cas on se sert d'un manège à plan incliné pour pomper l'eau. D'autres emploient l'ancienne méthode de la vis d'Archimède... D'après cette méthode un homme tourne une manivelle et fait ainsi monter une petite quantité d'eau. Une pompe comme on en voit partout au Canada permettrait probablement d'irriguer vingt fois plus de terrain que ces gens n'en peuvent irriguer avec les instruments qu'ils emploient.
On voit donc par là que le problème n'est ni colossal ni spectaculaire. Au contraire on pourrait s'y attaquer d'une manière bien simple. Il y aurait lieu d'encourager ces gens à les rendre compte si nos instruments modernes ne pourraient pas leur être de quelque utilité. Ce sont des pays nouveaux qui se reprennent à vivre, sous la direction de nouveaux chefs. Ils progressent à un rythme qui commande l'admiration de tous et réclame très peu d'encouragement." Enfin, il existe pour nous Canadiens une autre façon plus intangible, je crois, d'aider à gagner la guerre froide. J'ai cherché à souligner qu'il était important de renforcer toutes ces institutions qui, par contraste avec la monotonie et l'uniformité de l'État totalitaire, donnent de la richesse et de la variété à la vie d'une nation libre.
Notre nation possède un autre élément de diversité parce qu'elle repose sur l'association de deux races et de deux cultures. L'union politique du Haut et du Bas-Canada s'est faite en 1840. Au début, ce fut une union malheureuse et désagréable, mais c'est de cette première union qu'est née l'union plus vaste qu'est la Confédération. Aujourd'hui, nous, de l'Ontario et du Québec, pouvons nous reporter à plus d'un siècle d'association politique entre ceux dont la langue maternelle est le français et ceux dont la langue maternelle est l'anglais. Au sein de cette première association nous avons admis des milliers d'autres citoyens venus de la plupart des pays du monde. Je crois que notre passé nous a imprégné d'esprit de tolérance jusqu'à la moelle et nous a donné ainsi la faculté exceptionnelle de comprendre les autres nations et de collaborer avec elles.
Le concept d'une collectivité de l'Atlantique est en soi conforme au mode de vie canadien parce que la collectivité de l'Atlantique est une association volontaire. C'est un effort commun consenti par des peuples libres qui cherchent à assurer leur sécurité collective en unissant leur puissance économique e sociale aussi bien que leurs énergies politiques et militaires. Nous espérons que la grande collectivité de l'Atlantique non seulement nous assurera la sécurité mais apportera la solution au problème des relations qui doivent exister entre les grandes nations et leurs voisins moins puissants. L'alliance ne doit pas être uniquement négative et défensive; elle ne doit pas se contenter d'être "contre" quelque chose. Nous espérons que le traité de l'Atlantique-Nord accroîtra l'harmonie et la collaboration entre les nations qui y participent.
À maintes reprises, j'ai déclaré ailleurs que la paix durable et l'harmonie entre les nations ne peuvent être réalisées que si les nations du monde atteignent au même esprit de collaboration que celui qui unit les deux groupes du Canada. C'est grâce à ce grand facteur que nous avons pu édifier la nation canadienne. Aujourd'hui nous sommes un peuple uni, en face d'un monde en quête d'unité, et ce qu'il y a de plus frappant c'est que ce monde est aux prises avec un problème de différences ethniques, de différences linguistiques et de différences culturelles, qui se pose sur un plan beaucoup plus vaste sans doute, mais qui ressemble, dans son essence, au problème même que nous envisagions au début de notre vie nationale.
Le monde actuel a donc besoin de cette harmonie politique particulière que nous avons réalisée chez nous et de l'esprit d'unité qui nous anime. Il n'est pas téméraire d'espérer, je crois, que l'exemple de notre pays et l'attitude des Canadiens qui sont chargés de diriger nos relations extérieures puissent contribuer à l'avènement, sur le plan international, de l'esprit d'unité et de collaboration si indispensable à la puissance et à la sécurité du monde libre.
Cite Article : www.canadahistory.com/sections/documents